La valeur d’une marque
Un article récent de Wired (The Decline of Branding) remet en cause nombre d’idées reçues sur l’importance des marques, et des stratégies de branding. Je suggère ici que si des consommateurs plus informés sont aujourd’hui moins influencés par les marques construites à grand renforts de publicité, les entreprises qui ont su se construire une image de fiabilité et de qualité n’ont pas de souci à se faire.
La loyauté des utilisateurs est-elle un actif de long-terme ?
Jim Mullen, cité par Wired, résume bien la vision courante inspirant les stratégies de marques (dans toute cette note, les citations en anglais ont été traduites en Français, les liens fournis mènent aux versions originales) :
Parmi tous vos actifs, les marques sont de loin les plus importants et les plus solides. Les fondateurs peuvent mourir. Les usines peuvent brûler. La machinerie peut s’user. Les inventaires peuvent être épuisés. La technologie peut devenir obsolète. La loyauté aux marques est la seule fondation solide sur laquelle il soit possible de construire une croissance pérenne et profitable.
Pourtant, une étude de NPD Group, citée par l’article, montre que près de la moitié des personnes interrogées se disant loyales à une marque ne l’étaient plus un an plus tard. Les utilisateurs sont de plus en plus prônes à choisir le mieux-disant, en termes de prix, de qualité, et d’expérience client.
Les marques permettent-elles de se différencier sur un marché banalisé ?
Selon George Paolini, director of corporate marketing pour la division JavaSoft de Sun, cité dans Coke … Nike … Java? A Battle for Brand :
Le monde de la technologie est de plus en plus banalisé – quelle est la différence entre ce navigateur, ce traitement de texte, ce moteur de recherche ? Et plus les produits deviennent banalisés, plus les marques prennent d’importance.
Mais en parallèle, la notion de marque se banalise : le nombre de marques dans les épiceries à triplé depuis 1991. Le discours publicitaire classique peine à toucher le public. Les marques sont omniprésentes, et bien peu arrivent à sortir du lot. Les produits qui réussissent apportent en général une innovation majeure, et le plus souvent, il ne s’agit pas d’une innovation technologique, mais d’une meilleure compréhension des besoins de l’utilisateur – par exemple, l’iPod.
Une marque permet d’extraire un prix plus élevé pour des produits comparable ?
Cela reste vrai en grande partie : l’article cite un étude de Landor Associates montrant que 99,5% des personnes interrogées étaient prêts à payer plus cher pour acheter un Sony. Ce qui diminue, en revanche, c’est l’écart entre les prix extraits par les grandes marques et par les concurrents sans marque (MDD – Marque de distributeur, ou MPP – Marque Premier Prix).
Il y a cinq ans, un lecteur DVD Sony coûtait 44% de plus que ceux de la concurrence. C’est loin d’être le cas aujourd’hui. Selon le magasine LSA (cité dans Le Monde du 1er janvier),
64% des Français estiment aujourd’hui que les produits des grandes marques sont plus chers sans que leurs hausses ne soient justifiées.
Les termes du dialogue ont changé : ce ne sont plus les marques discount qui doivent justifier que leur qualité n’est pas inférieure, c’est aux grandes marques de justifier leur surcoût.
Pour Pascale Weil, Associée de Publicis Consultants, dans Le Prix de la valeur cité par la newsletter de Conseils et Annonceurs Associés :
(…) deux facteurs se conjuguent : la maturité de la consommation autant que l’attention au prix conduisent les individus à jouer « la vérité de la valeur » et à arbitrer précisément leurs dépenses :
- ils renoncent aux produits qui ne sont pas assez désirables,
- ils choisissent les MDD pour ceux qui représentent le meilleur rapport qualité/ prix et témoignent ainsi de la valeur de caution des grandes enseignes alimentaires
- ils élisent les MPP pour les produits dans lesquels ils ne s’impliquent pas.
- enfin, ils se réservent pour les marques dont ils perçoivent la valeur ajoutée et pour lesquelles ils éprouvent du désir.
Les marques qui s’en sortent : l’importance de l’expérience client
Pourtant, certaines sociétés arrivent tout de même à significativement capitaliser sur leurs marques : Apple, Starbucks, Amazon… Comment ?
On peut lire dans cette interview de Jeff Bezos, CEO d’Amazon, sa décision, il y a trois ans, d’arrêter de faire de la pub TV – et de profiter des économies réalisées pour rendre l’expédition des commandes gratuites. Le choix semble avoir fonctionné, étant donné la croissance qu’Amazon a enregistrée depuis. Bezos avait en effet remarqué que l’impact d’un dollar dépensé était pour Amazon bien plus élevé s’il venait en diminution du prix et amélioration du service, plutôt qu’en augmentation de la notoriété.
Pour citer cette interview :
De plus en plus d’argent va être consacré à la création d’une excellente expérience client, et moins d’argent sera dépensé pour crier au sujet de son service (…). Si votre service est très bon, les gens le sauront.
Face à cela, on peut bien sur sourire (c’est toujours plus facile après coup) en lisant un article comme celui-ci (Hot Spots!) sur la concurrence que se livraient des dot-coms pour acheter à prix d’or quelques spots de 30 secondes disponibles pendant le Superbowl 2000 – en dépensant pour cela parfois 4 fois leur chiffre d’affaires annuel.
Mais je pense que ce que ce décalage met surtout en avant, c’est la fin d’un modèle où il était possible de différencier un produit banal à grands renfort de publicité. Les produits qui fonctionnent sont ceux qui intègrent le marketing dès leur conception (ce que Seth Godin décrit très bien dans son livre "Purple Cow" : pour être remarqué, le produit doit avant tout être remarquable (!)
Extension des constituants de la marque
Les marques, à l’origine, servaient d’indicateur de qualité – je sais, en achetant une bouteille de Coca-Cola, que le contenu sera bien du Coca-Cola. C’est la même idée qui explique les autocollants "vu à la Télé" sur des emballages.
Aujourd’hui, le consommateur étant plus informé, ce rôle est moins nécessaire : une entreprise aura une bonne image parce qu’elle aura des clients satisfaits qui parleront d’elle, et pas parce qu’elle achètera des espaces pour parler d’elle. Ceux pour qui leur marque est un gage de qualité, et qui ont obstinément refusé de la diluer en l’utilisant pour vendre des produits de catégorie inférieure, sont en position de force aujourd’hui. Les consommateurs savent reconnaître et récompenser les entreprises qui ont un track record consistant d’expérience client satisfaisante.
PSFK, dans Long Live Branding, fait bien cette distinction : certains, – pour qui la marque est "un logo, une campagne de pub, un actif au bilan" – se retrouvent souvent dans l’impossibilité de l’exploiter et d’en tirer les fruits, alors que d’autres ont des clients "fan", qui sont souvent leurs meilleurs ambassadeurs. Ce sont ceux pour lesquels la marque représente "une éthique, (des) actions entreprises pour créer des relations privilégiées avec les clients, la manière de penser des salariés (…) Tout ce que fait (une) entreprise. Tout."
La marque reste donc un vrai atout, mais une marque solide se construit de moins en moins à grands renforts de publicité, et de plus en plus grâce à un souci constant de la satisfaction des clients.
Revue de presse
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bonjours
je fait une etude sur le developpement des marques , l’importance pour celle ci de conaitre le consomateur et l’acheteur .
comment le propriétaire d’une marque peut il faire des retours sur investissemnts ?
serait il possible que vous me donniez plus d’information a ce sujet.
merci
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